Comment gérer les transitions de vie ?

Confrontés à des transitions majeures dans notre vie, nous nous sentons souvent désorientés et déstabilisés. La réalité sur laquelle nous prenions appui se dérobe sans que nous puissions discerner de quoi demain sera fait. Il existe pourtant des moyens pour apprendre à vivre ces étapes de façon positive.

Dans les années 70, une journaliste américaine, Gail Sheehy, remportait un énorme succès avec son livre « Passages » dans lequel elle montrait que la vie adulte était marquée par une série de « crises » parfaitement naturelles et normales qu’il était possible de connaître et d’anticiper afin de mieux les traverser. 20 ans plus tard dans un nouvel ouvrage, après avoir enquêté auprès de milliers d’hommes et de femmes, elle exprimait son étonnement devant la rapidité des transformations qui s’étaient produites dans notre société donnant à son champ d’étude des prolongements inattendus. En plaisantant, elle écrivait :« Personne ne nous a préparé à la possibilité que nous pourrions vivre assez longtemps pour oublier le nom de le première personne avec qui nous nous sommes mariés ! ».

L’allongement de la durée de la vie mais aussi l’évolution de la société ont bouleversé nos cycles de vie. Comme si nous pouvions désormais vivre plusieurs existences en une seule et cela quel que soit le domaine : personnel, familial ou professionnel. Nous sommes ainsi conduits à régulièrement devoir nous réinventer. Le paradoxe vient alors du fait qu’au moment où le rythme du changement  s’accélère, nous semblons profondément démunis pour l’affronter.

Contrairement aux sociétés traditionnelles qui avaient élaboré un savoir collectif et des rituels de passage pour faire face aux transitions, nous sommes désormais livrés à nous-mêmes. Il s’agit pourtant d’étapes souvent difficiles, surtout si nous n’avons pas conscience de ce qui se joue à ce moment-là, car chaque cycle vient, plus ou moins profondément, réinterroger notre identité, notre avenir et la signification de notre existence.

William Bridges, consultant et écrivain américain, opère une distinction entre le changement et la transition : là où le changement désigne une réalité concrète, objective (comme un licenciement, un déménagement, ou une naissance), le mot « transition » quant à lui désigne une réalité psychologique, subjective, d’adaptation interne aux événements.

Cela implique que nous pouvons tous vivre des changements mais sans pour autant effectuer les transitions psychologiques nécessaires pour nous y adapter et en faire des occasions de renouveau. Cette distinction permet aussi de comprendre la différence entre des cycles de vie sources de croissance personnelle et des scénarios de répétitions qui produisent extérieurement du changement mais qui psychologiquement conduisent à la répétition du même et donc à une stagnation.

Bridges s’est appuyé sur l’étude des rites de passage pour décrire les 3 étapes du processus de transition :

 – La fin : détachement d’une période passée et de l’identité qui lui correspondait. On clôt un chapitre.

 – La « zone neutre » : période de vide et de désorientation mais aussi d’exploration.

 – Le nouveau départ :   une nouvelle identité émerge, un nouveau chapitre s’ouvre.

Le paradoxe de ce processus est qu’il « commence par la fin et se termine par le commencement » ! La fin d’un cycle et l’avènement d’un nouveau provoquent « une crise », c’est-à-dire une tension entre ce qui se défait et ce qui se propose. Cette période de marge  constitue un enjeu majeur. D’un côté, ce qui faisait notre équilibre ne tient plus, l’inconfort s’installe et nous voudrions que cela s’arrête au plus vite. Nous sommes désorientés, comme bloqués dans un labyrinthe. De l’autre, ce temps d’arrêt permet de réévaluer notre vie et d’explorer de nouvelles possibilités.

Cette expérience symbolique de mort, d’errance et de renaissance était au cœur des rituels de passage des sociétés traditionnelles :  « Si nous entreprenons d’examiner les nombreux et étranges rituels des tribus primitives et des grandes civilisations du passé, il devient manifeste que leur but et leur action réels étaient d’aider les hommes à franchir ces seuils de transformation, ces seuils difficiles qui requièrent un changement des structures non seulement de la vie consciente, mais aussi de la vie inconsciente. Les rites dits de passage, qui tiennent une place si importante dans la vie des sociétés primitives (rituels de la naissance, de l’attribution du nom, de la puberté, du mariage, des funérailles, etc.), se caractérisent par des pratiques solennelles de séparation, généralement très pénibles, par lesquelles l’esprit rompt radicalement avec les attitudes, les attachements et les formes de vie correspondant au stade de développement qu’il s’agit de dépasser. Ensuite vient un temps plus ou moins long de retraite, pendant lequel sont accomplis des rites destinés à faire connaitre à l’ « aventurier de la vie » les formes et les sentiments qui conviennent à son nouvel état ; de sorte que, lorsque le moment viendra pour lui de réintégrer son monde habituel, l’initié sera pratiquement né de nouveau. » (Joseph Campbell, Le héros aux mille et un visages).

Si les rituels qui nous aidaient à vivre cette réalité cyclique sont de moins en moins présents dans nos sociétés, on peut constater, au-delà de l’oubli, un certain rejet social de ces « crises » lorsqu’elles se manifestent. Si elles prennent trop d’ampleur, le conseil sera souvent «  va voir un psy ». Sous-entendu, « va te faire soigner ! ». On pathologise le processus naturel de changement qui fait de la vie une succession de passages. Mais faut-il voir ces « crises » uniquement comme les conséquences d’une problématique psychologique personnelle ? Ne faut-il pas les réintégrer dans leur normalité ? Leur banalité ? Cela permettrait alors de s’y préparer et d’apprendre à les accompagner pour qu’elles produisent leur fonction de renouvellement.

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